Déclaration de grossesse




Si sous l'ancien régime, la vie sociale et religieuse était lourde à supporter, ce poids, l'était encore plus pour les filles mères qui pour ne pas subir le déshonneur allaient bien souvent accoucher dans un village éloigné de leur habitation.

La jeune fille non mariée ou la veuve que l'amant avait abandonnée à son triste état, à la bassesse des villageois, après lui avoir fait espérer le mariage pour obtenir ses faveurs, pouvait à juste titre se sentir flouée.

L'envie de ne pas garder sa progéniture ou de ne pas s'en occuper après sa naissance devait fatalement lui passer par la tête.

La déclaration de grossesse, attestée dès le XIIIème siècle, ne sera règlementée que par l'édit d'Henri II.  Edit qu'iI fait publier en février 1556 afin de ralentir la fréquence des infanticides.  Cette loi nous dit :

"Que toute femme qui se trouvera deüment atteinte et convaincüe d'avoir celé et occulté, tant sa grossesse que son enfantement sans avoir déclaré l'un ou l'autre, et avoir pris de l'un ou l'autre témoignage suffisant, mesme de la vie ou mort de son enfant lors de l'issue de son ventre, et aprés se trouve l'enfant avoir esté privé, tant du saint sacrement de baptesme que sépulture publique et accoütumée, soit telle femme tenüe et réputée d'avoir homicidé son enfant, et pour réparation punie de mort et dernier supplice".

L'édit de février 1556 sera renouvelé en 1586 et par celui de Louis XIV en 1708, qui prévoit que tous les trois mois il sera lu aux prônes des messes paroissiales par les curés. Cette déclaration fut périodiquement renouvelée jusqu'à la Révolution.

On peut trouver dans certains registres paroissiaux, des annotations, précisant que la déclaration a bien été lue :

"Je soussigné : prêtre et curé, de la paroisse St. Jacques de VILLETRITOULS :
Certifie que l'édit du roi Henri II de 1556 : a été, publié au prône de notre messe paroissiale, le troisième dimanche de l'avent de l'année dernière à VILLETRITOULS, Ce vingtième jour du mois de janvier de l'année 1766"

Signé : FOURIE Curé.

Manifestement, aucun de ces textes ne désigne l'instance à laquelle la déclaration doit être faite. C'est pourquoi les usages varient d'une province à l'autre : Baillis ou sénéchaux, procureurs, notaires, greffiers, consuls dans les villes etc.

La promulgation du code pénal de 1791 rend caduque la présomption d'infanticide établit par l'édit de 1556. L'infanticide prouvé est qualifié de meurtre ou d'assassinat selon qu'il s'accompagne ou non de préméditation.

Retour au droit commun de courte durée puisque le code de 1810 en fait un crime exceptionnel en l'assimilant à l'assassinat et en le punissant de mort...

Cette source utile à connaître pour quiconque cherche à reconstituer l'histoire de sa famille peut être consultée en série B des Archives départementales mais encore dans le fonds des justices de Paix.

Au-delà de l'intérêt historique de l'acte judiciaire, on s'aperçoit de l'importance qu'il représente pour les généalogistes, fréquemment confrontés au cas de la filiation paternelle inconnue :  il est tout à fait possible d'envisager l'existence d'une pièce officielle relatant l'identité du père, quand les registres paroissiaux restent muets à ce sujet.

Ces procès-verbaux d'audition nous apprennent l'identité de la future mère et du père présumé, leurs âges, domiciles, métiers, filiation et les circonstances de la relation (Bien souvent une promesse de mariage)

Un autre but de l'édit était que l'enfant illégitime et sa mère ne soient plus à la charge de la communauté, mais bien à celle du procréateur et amant.

Hélas et bien souvent, celui-ci jouit d'une position sociale supérieure à celle de la pauvre fille qu'il a abusée, ce qui lui permet souvent de garder l'anonymat.

On peut constater qu'à la fin de ces actes, l'autorité recevant la déclaration, insistait lourdement, sur l'importance de préserver la vie de l'enfant à naître.

Les victimes les plus répandues :

Sont les servantes et domestiques.  Elles succombent aux avances de leur maître ou de l'un de ses proches.

La jeune fille qui espère le mariage.

D'autres se laissent aller contre des espèces sonnantes et trébuchantes ou quelques présents.

Certaines sont obligées de déclarer une grossesse consécutive à un viol

Parfois la future mère est forcée à la déclaration par la dénonciation d'un voisin, logeur ou sage-femme.

Les grossesses non désirées et la mortalité des jeunes enfants étant importantes, l'Église et les autorités n'ont pas cessé de réagir contre tout ce qui pourrait faire obstacle à la naissance et à l'existence d'un nouveau-né, mais à travers ces mesures, il fallait endiguer le problème de l'abandon des enfants illégitimes qui devenait monnaie courante et qui ne touchait pas que les couches populaires.

Les quatre exemples qui suivent, nous illustrent bien ce qui est décrit ci-dessus.
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Les déclarations

Déclaration de grossesse de Marie Anne ARNAUD
Déclaration de grossesse de Marie BOURREL
Déclaration de grossesse de Marie PARIS
Déclaration de grossesse de Philippe BERNARD
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Bibliographie


Bibliographie :

Philippe ARIES : L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Paris, Éditions du Seuil,1973.

François LEBRUN : La vie conjugale sous l'Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1975.

Pierre GOUBERT : Les Français et l'Ancien Régime, tome 2, Paris, Armand Colin,
1991.

Jean-Louis FLANDRIN : Les amours paysannes, XVI et XIXème siècle" Gallimard / Julliard, 1975, 1993 (Coll. Folio / Histoire)

http://perso.magic.fr/coudo/FillesMeres.htm

http://www.genealogy.tm.fr/Chronique/chronique5.htm
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